Léonard Bourgois-Beaulieu commence à prendre des photos en 2008 après avoir été comédien et réalisateur, enrichissant ainsi son travail. Sa formation théâtrale lui permet de réaliser des portraits d’artistes pour la presse et de comprendre les enjeux relationnels entre êtres humains, rituels, abnégations et travestissement de la volonté.
En 2010, il rencontre Nicole Wisniak la rédactrice en chef du Journal Egoïste qui va lui permettre de travailler quelques mois à ses côtés, lui permettant de publier son travail dans le numéro 16 (Mai 2011). En 2011, il suit la formation continue de l’école des Gobelins à Paris et découvre l’usage de la chambre grand format. C’est lors d’un accident qu’il découvre une autre manière d’utiliser le négatif de ses polaroids. S’en suit une première exposition solo à la galerie Karaly en parallèle avec l’édition 2011 de la foire internationale Paris Photo où une grande partie de la série est exposée à la galerie du Jour. L’exposition Noirs Miroirs contient des portraits de Henry Hopper et des paysages de Californie, les photos portent physiquement l’empreinte de poèmes de Jack Kerouac. Le livre Noirs Miroirs, auto financé, parait fin 2011.
Son travail mélangeant photographie argentique et transformation numérique, Microsoft le sélectionne avec 30 artistes pour créer une oeuvre en rapport avec Windows. L’exposition a lieu au palais de Tokyo.
Depuis ses débuts, Léonard Bourgois-Beaulieu s’interroge sur la place de la jeunesse dans la société actuelle. En prenant des auto-portraits à côtés de ses amis artistes, il joue déjà avec l’illusion des genres. Cinq ans après les premiers portraits de Yuan (2008) une nouvelle série “A la chambre” (2013-20–) illustre cette progression dans son travail.
1. Vous considérez-vous comme une figure émergente en Art contemporain ?
Léonard Bourgois-Beaulieu : Je considère effectivement que j’émerge au milieu de mes contemporains (rires). N’ayant pas fait d’école de photographie, je marque ma place avec mon travail et mon dialogue avec celui-ci. J’aborde des sujets qui me parlent depuis des années et qui sont ancrés dans mon éducation théâtrale. C’est le cas par exemple des rapports entre les êtres humains et les identités que nous nous créons pour nous signifier les uns aux autres.
2. Comment définiriez-vous votre style ?
Léonard Bourgois-Beaulieu : Je ne parle pas souvent de style. Il s’agit de traitements peut-être. Pour la série « à la chambre » j’ai choisi la chambre photo devant un mur blanc pour développer un flou lié à celui des corps humains qui dépassent les appellations femme/homme. Je voulais me concentrer sur le regard, le visage pour ne pas détourner l’attention portée au sujet car je n’aime pas le voyeurisme. Je privilégie les nuances qui font vaciller notre capacité à interpréter ce qui nous semble simple au premier abord.
3. Racontez-nous votre parcours…
Léonard Bourgois-Beaulieu : J’étais comédien avant de prendre des photos. J’ai réalisé des court-métrages avec le collectif que j’ai créé en 2004 « Kartonpat Films ». L’image était déjà un aspect primordial de ce que je créais : être acteur c’est donner une image, du visuel, de notre interprétation. J’ai voulu garder le jeu comme source d’inspiration dans mes premières photos, qui sont toutes des autoportraits.
4. Pourquoi avoir choisi la Photographie ?
Léonard Bourgois-Beaulieu : Je n’ai pas choisi la photographie. En effet, j’ai choisi de créer des images pour illustrer mes idées, mon imagination. En faisant des films et des vidéos à la fin des années 90 et au début des années 2000, je refaisais des prises souvent à cause de l’image qui ne me convenait pas. J’avais aussi besoin de figer la vidéo et c’est ainsi que j’ai pris des photos en plus de réaliser. C’était un tout autre langage qui me rendait plus libre que de tourner. Ce langage était celui de l’intime d’abord puis s’est ajoutée la recherche plastique puisque je transforme mes polaroids avec des produits chimiques. La photographie, en plus d’être un instantané, prolonge cet état lorsqu’on la regarde et qu’on se concentre sur elle; nous recréons le moment photographié en tentant de le lire. C’est pour moi une sensation évidemment mais j’aime déchiffrer et passer du temps à regarder les différentes couches d’une photographie.
5. Quels photographes vous inspirent dans votre travail ?
Léonard Bourgois-Beaulieu : Saul Leiter, Bill Henson, Bellmer, Fernell Franco, Masao Yamamoto, Sugimoto... J’achète aussi des photographies quand je le peux.
6. Quelle mission donnez-vous à la photographie ?
Léonard Bourgois-Beaulieu : Montrer certains comportements que nous entretenons et qui me semblent dépassés comme ne pas accepter le changement d’identité, la transformation, et de vouloir continuellement aborder les choses de la même manière. Certains comportements me semblent si absurdes que la photographie me permet de les montrer pour ouvrir les consciences. Je suis intéressé aussi bien par l’évolution du rapport à la différence sexuelle mais aussi par les modèles que nous choisissons dans notre recherche d’identité.
7. Quelles sont vos influences artistiques ?
Léonard Bourgois-Beaulieu : Le cinéma et le théâtre sont mes influences initiales. Des plans de films m’ont vraiment interpellé et c’est peut-être la volonté de les figer pour les regarder plus longtemps qui m’a inspiré de photographier.
8. Les portraits occupent une place prépondérante dans votre travail..
Léonard Bourgois-Beaulieu : Les portraits sont une partie assez large de mon travail, je travaille aussi sur le sujet de l’affichage de masse (internet, smartphones, google etc.) avec ma série « googlize my work 2014» et la façon dont la valeur d’une oeuvre est calculée ou spéculée par rapport à l’artiste et sa notoriété, et le nombre de copies vendues (installation « printer » 2016). L’installation présentait une imprimante qui imprime à répétition sur une feuille tubulaire la même photo ad vitam aeternam. Un cartel numérique présente l’artiste et le titre mais le numéro d’édition augmente à chaque tirage et le prix change en fonction de la cote de l’artiste et de la rareté qui diminue. Mais est-ce l’oeuvre ou le tirage qui est vendu ? Le cartel devient fou. Aujourd’hui la spéculation prend une place considérable et ce traitement de l’art devient absurde.
9. Parlez-nous de votre série “Noirs miroirs »
Léonard Bourgois-Beaulieu : “Noirs Miroirs” est une série accident, une série vivante. Alors que je découvrais le polaroid et la chambre photo j’ai fait la rencontre d’un jeune acteur qui faisait écho à ma propre expérience de comédien. Je l’ai pris en photo pendant une journée. C’est un accident qui m’a permis de révéler les négatifs qui sont apparus très sombres et brillants. Il y avait alors un traitement proche de la photo vintage, le temps était profondément brouillé et on a souvent cru que les photos avaient été prises au début du siècle. J’ai voulu développer un lien entre cet acteur dans mon pays, moi et son pays natal de Californie. Toute cette série traitait les liens entre ressemblances, flous et représentations. La Californie sous mon objectif semble s’être perdue dans le temps, il se dégage une mélancolie et un rêve qui semblent d’une autre époque mais pourtant bien contemporaine.
10. Comment nourrissez-vous votre inspiration ?
Léonard Bourgois-Beaulieu : Je tente de trouver le juste milieu entre musées, expositions, vernissages et instagram (dans ce que le média peut présenter comme visions internationales), publicités, séries, films. Mon inspiration principale sont les échanges que les gens ont avec moi et autour de moi. J’observe continuellement ce qui se passe. Les comportements me semblent être la base de nos réactions et formations identitaires.
11. Quels sont vos projets à venir ?
Léonard Bourgois-Beaulieu : Je suis en train de finir mon second livre qui contient mes principaux travaux. Ma recherche sur « le rite de l’absence » sera publiée fin mars dans la Revue Innocente des éditions Chardon. La série « à la chambre » sera publiée dans la revue Young Photography Now en Mars. Je continue mon travail sur la série « à la chambre » qui demande un temps conséquent car je ne vais pas à la recherche de personnes pour ne pas stigmatiser les gens photographiés, ce sont avant tout des rencontres. J’écris aussi un scénario sur les rapports détachés que nos machines nous forcent à entretenir entre êtres vivants, entre nous.
En savoir plus sur Léonard Bourgois-Beaulieu
EXPOSITIONS
- SPRING/BREAK art show 2016 (New York City, Armory week)
- Expolaroïd Montélimard (2015)
- Creative Gallery au Palais de Tokyo
- Noirs Miroirs (nouveaux tirages) REC galerie mars 2012
- Parcours Paris je t’aime (solo) février 2012
- Noirs Miroirs (Galerie Hubert Karaly) novembre 2011
- A young french photography (nyc, galerie agnès b.)8
- Paris Photo 2016
- Paris Photo 2015
- Paris Photo 2014
- Paris Photo 2013
- Paris Photo 2012
- Paris Photo 2011
- Paris Photo 2010
- Paris photo 2009