Reconnaissable par sa silhouette et son style, Chantal Thomass parvient à allier l’élégance, le charme et le désir au sein de ses créations. Féminine et impertinente, cette icône glamour de la mode est la première créatrice qui a réussi à faire prendre le dessus aux dessous. Entretien avec cette papesse de la lingerie qui entretient un ton, un nom et un style depuis ses débuts.
1. Vous considérez-vous comme une figure de la mode ?
Chantal Thomass : Je suis reconnaissable par la touche glamour de mes créations.
2. Comment définiriez-vous votre style ?
Chantal Thomass : Pour ce qui est de mon style personnel, j’empreinte beaucoup d’éléments à la garde robe masculine. Je mets rarement une robe de mousseline sauf quelquefois pour sortir le soir mais je suis plutôt en smoking ! J’aime aller de l’avant, avec toujours une envie d’entreprendre de nombreuses choses. Quant à mon style professionnel, je suis très curieuse et j’aime découvrir de nouveaux métiers. J’ai fait des meubles il y a deux ans et là je lance pour le Designer day une collection de lustres et de miroirs pour Véronèse qui sont fabriqués et soufflés à la main en Italie à Venise dans un style 18ème revisité.
3. Racontez-nous votre parcours…
Chantal Thomass : J’ai commencé fin des années 60 en 1968-1969 à l’âge de 18 ans : mes parents m’ont émancipé car la majorité était à 21 ans. Au début j’ai fait quelques robes sous le nom de “Ter et Bantine” avec mon fiancé qui étudiait aux Beaux Arts. Mes premières robes étaient composées de tissus peints. Je sortais beaucoup à l’époque et je faisais faire ces robes par ma mère. Les gens trouvaient en général mes habits très beaux ! Au culot, j’ai envoyé trois robes à la boutique branchée de l’époque à Saint-Tropez, le Café des Arts, dans un petit paquet en disant : “voilà mon travail, est-ce que cela vous intéresse ?”. Ils m’ont appelée huit jours après : j’avais vendu une robe à Brigitte Bardot, une autre à Michelle Mercier et une dernière à une autre star de l’époque. On m’a alors demandée d’en faire vingt de plus. On a donc passé l’été à Saint-Tropez allant chercher l’argent dès qu’une robe était vendue ! En septembre, j’ai décidé de faire ce métier. A l’époque, il y avait la mode et la Haute couture. Le prêt à porter était basique, et la Haute Couture était très loin de mon univers de mes 18 ans. Progressivement, j’ai appris le métier, j’ai eu un petit atelier et puis un grand. Sept ans plus tard, j’ai eu envie de changer de style, je me suis sophistiquée, j’ai appris les belles matières et la griffe est devenue “Chantal Thomass pour Ter et Bantine” et un peu plus tard “Chantal Thomass”.
4. A quoi ressemble la femme “Chantal Thomass” ?
Chantal Thomass : C’est une femme qui est féminine, qui essaie de trouver son style, qui ne cherche pas à imiter quoi que ce soit et qui choisit des choses qu’elle aime et qui les mélange. Cette femme n’est pas forcement dans la tendance. La lingerie n’a pas d’âge car c’est un raffinement que des femmes aiment toutes leurs vies de 16 ans à 80 ans. C’est un luxe qu’on ne montre pas à tout le monde. La clientèle, c’est une femme raffinée qui fait attention à son corps et a envie d’être jolie le matin.
5. Quelles sont les valeurs que vous souhaitez transmettre ?
Chantal Thomass : Je n’essaie pas vraiment de faire passer des messages. J’ai juste envie que les gens se sentent bien, que les femmes se sentent belles, qu’elles soient heureuses, aient confiance en elles et plaisent à leurs hommes. Je n’ai pas de message philosophique à transmettre !
6. Les critères de beauté ont changé depuis le début du siècle…
Chantal Thomass : Jusqu’en 1900, les femmes étaient en rondeur avec des formes. Dans les années 1920, c’est la garçonne : les femmes deviennent plates, montrent leurs jambes et veulent bronzer. Il y a un vrai besoin de liberté. Les soutiens gorges de Chanel par Cadole étaient des aplatisseurs parce qu’il ne fallait pas de poitrine. Dans les années1940, les femmes se sont ré-arrondies et les soutiens-gorges sont devenus plus pointus. Et les années 1950, c’est le New Look de l’après guerre, la taille est très fine et serrée parce que les femmes ont maigri. Dans les années 1970, la silhouette est longiligne, plate, à la Jane Birkin, on ne portait pas de soutien-gorge. Dans les années 1980, je suis arrivée avec de la lingerie au milieu d ‘une génération sans soutien-gorge et porte jarretelle. J’ai donc eu envie de lingerie fine et sexy que j’ai présentée dans les défilés de prêt à porter comme accessoire et ça a été un choc. J’ai commencé la lingerie par hasard sans penser à en faire une carrière.
7. Comment sélectionnez vous les matières ?
Chantal Thomass : J’adore travailler les matières. Je vais beaucoup à Calais pour les dentelles, en Suisse pour les broderies et en Italie pour les imprimés. Je m’inspire beaucoup de leurs livres d’archives. J’arrive avec une idée et on la retravaille. Les corsets sont fabriqués par des artisans qui sont devenus rarissimes.
8. Quelles exigences la lingerie de luxe doit-elle respecter ?
Chantal Thomass : Les matières doivent être douces et agréables, et ne doivent pas irriter la peau. La lingerie doit être esthétique, bien coupée, fonctionnelle et originale.
9. Comment se passe votre processus d’inspiration ?
Chantal Thomass : Je recherche d’abord les matières. Je collectionne beaucoup les livres anciens, les magazines, des piles et des piles de Elle, Vogue, des pièces anciennes de lingerie, j’en ai des boîtes et des boîtes… Les idées viennent de tout : une expo, des livres anciens. J’ai souvent tendance à m’inspirer de choses anciennes : le 18ème siècle (un corset, un noeud, un froufrou d’une robe de Marie-Antoinette), un film, et un tissu d’homme. Par exemple j’ai crée un soutien-gorge avec une cravate minuscule : j’aime les choses décalées.
10. Quels sont les univers artistiques qui vous inspirent ?
Chantal Thomass : Ce peut être la peinture, une expo, le ciné, les concerts, une multitude de choses en réalité.
11. L’évolution de la mode se concentre-t-elle dans vos collections ?
Chantal Thomass : Oui, il y a toujours un petit côté pin up, il y a des saisons où c’est plus épuré, d’autres où c’est plus froufrou, ou d’autres dans un style années 20 ou Marie-Antoinette. Cela dépend de mon inspiration du moment.
12. Comment sélectionnez les composants de vos parfums ?
Chantal Thomass : Je ne les choisis pas directement, on me les propose. La personne qui compose le jus me pose plein de questions : quels sont mes souvenirs d’enfance, mes odeurs préférées. Elle nous fait sentir 6 ou 7 essais puis on les retravaille pour que ce soit plus piquant par exemple. J’ai fait deux parfums : le premier, “Ame coquine” qui est très sucré, gourmand, et le deuxième, “Osez-moi”, qui est plus fleuri à base de roses principalement.
13. Parlez-nous de votre boutique rue Saint Honoré que vous avez réalisée avec le designer Christian Ghion
Chantal Thomass : J’avais envie d’un boudoir contemporain. J’ai travaillé avec Christian Ghion qui a apporté sa touche contemporaine et des matériaux que je ne connaissais pas. Les cabines sont roses et capitonnées, et l’éclairage est étudié pour se sentir belle.
14. Quelle pièce seriez vous si vous étiez une pièce de lingerie ?
Chantal Thomass : Un soutien-gorge car c’est ce qui met vraiment en valeur la femme et qui marque notre grande différence avec les hommes.
15. Qu’est ce qui selon vous crée une mode ?
Chantal Thomass : C’est un mélange, une idée partie d’un créateur adaptée par la rue qui la rend accessible à tout le monde. Mais maintenant c’est difficile car tout est sur internet : quand un couturier présente ses collections, le prêt à porter copie très vite.
16. La mode est-elle une industrie comme une autre ?
Chantal Thomass : La mode est d’abord une composante de l’industrie du luxe mais elle reste une industrie comme une autre.
17. Le luxe et la mode : quelles différences ?
Chantal Thomass : Le luxe c’est la rareté, l’exception, la qualité. Un sac Hermès, on le désire : il faut le commander, il est fait spécialement pour vous, il y a un savoir faire autour. Le vrai luxe c’est l’artisanat. Mais c’est vrai qu’actuellement le luxe s’est beaucoup démocratisé.
18. Quel est votre péché mignon ?
Chantal Thomass : La gourmandise ! Les pâtisseries, notamment les macarons de chez Ladurée.
19. Avez-vous un rêve à réaliser ?
Chantal Thomass : Oui encore pas mal de rêves ! J’aimerais bien faire plus de déco : décorer un hôtel ou un restaurant.
20. De quoi êtes-vous la plus fière ?
Chantal Thomass : Mes deux enfants. Mon fils qui travaille dans le cinéma et ma fille qui est artiste peintre.
21. Quelle femme représente pour vous le plus la féminité le plus aujourd’hui ?
Chantal Thomass : Dita von Teese, c’est la féminité poussée à l’extrême, une icône du glamour. Rania de Jordanie est aussi très féminine, Scarlett Johansson ou Vanessa Paradis.
Pour en savoir plus sur Chantal Thomass : www.chantalthomass.com