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Quibé dans la ligne

Artiste à part dans le paysage des illustrateurs contemporains, Christophe-Louis Quibé expérimente l’art visuel sous toutes ses formes en rendant hommage à de nombreux univers cultes issus principalement de la pop culture.

A travers des dessins ayant en eux-mêmes leur propre sens de gravité, Quibé reproduit en un tracé d’un seul mouvement, les contours de son modèle. L’attrait de Christophe-Louis Quibé pour le dessin au trait continu en fait une personnalité fascinante.

Influencé par la bande dessinée, le graffiti, la mode ou le cinéma, Quibé y puise une source d’inspiration infinie qu’il place au service de son crayon. Tel un architecte de la ligne, Quibé suit son objectif en gardant à l’esprit et au bout des doigts, la direction que le crayon doit emprunter pour ne pas perdre le fil.

Doté d’un style minimaliste, l’artiste Quibé explore sans cesse de nouvelles formes d’expression. Proche de la caricature, Quibé porte un regard amusé sur la société qu’il nargue en un seul coup de crayon. Tel un observateur de son époque, le dessin procure à Quibé une conscience d’exister face à l’écoulement du temps.

Rencontre avec cet artiste dont le talent étonne autant qu’il fascine, à découvrir lors de la Foire d’Art Contemporain Art’ Up 2016 qui se tiendra à Lille du 24 février au 28 février prochains.

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1. Vous considérez-vous comme une figure en illustration ?

Christophe-Louis Quibé : Absolument pas. Je déroule ma petite pelote de lignes, dans mon coin et pour être franc je suis aussi flatté que surpris de l’intérêt qu’on peut porter à mon travail.

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2. Comment définiriez-vous votre style ?

Christophe-Louis Quibé : Du réalisme elliptique ? Du minimalisme figuratif ?

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3. Racontez-nous votre parcours…

Christophe-Louis Quibé : J’ai grandi à Tahiti à l’écart des musées, des théâtres ou des bibliothèques. Cela dit, j’ai eu la chance d’avoir un entourage qui a encouragé ma curiosité intellectuelle, et qui était en mesure de la satisfaire. J’ai pris des cours de dessins avec un peintre Tahitien du nom de Rui Juventin dont je réalise seulement aujourd’hui l’importance dans ma vie artistique. Je n’idéalise rien car il n’y a pas eu de relation privilégiée ni d’affection de maître à élève. S’il était encore des nôtres, – il est décédé en 1997 – je suis persuadé qu’il n’aurait aucun souvenir de moi. Néanmoins, cet homme m’a marqué en laissant une trace bien plus indélébile que je n’aurais su le dire à l’époque : il m’a fallu une moitié de vie pour en prendre conscience.

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A l’adolescence, j’ai marqué une rupture dans la pratique du dessin comme chez beaucoup de jeunes. J’ai poursuivi un cursus littéraire (Hypokhâgne, Khâgne à Versailles puis Saint-Germain) et ai découvert le plaisir de la Culture en accès facile. Après avoir été édudiant en Art, j’ai travaillé au sein d’une Agence de Publicité pendant une dizaine d’années à faire de la direction artistique pour Kellogg’s, Krisprolls, Bourjois ou Petit Navire : une expérience à la fois usante et formatrice ! Le dessin a refait surface à la naissance de mes filles, comme un moyen  de partager et de s’amuser : un mode de communication en somme. On pourrait appeler cela de “l’intime projeté”.

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Vivre à Paris me paraît souvent difficile, douloureux et déboussolant. Je suis en complet déséquilibre affectif alors qu’intellectuellement, je me nourris de chaque opportunité que la ville peut m’offrir. Cela dit, c’est ce déséquilibre qui est à l’origine du dessin.

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4. Comment nourrissez-vous votre inspiration ?

Christophe-Louis Quibé : Je suis un contemplatif de nature. Il m’a fallu 40 ans pour me décider à produire quelque chose de personnel. J’ai intégré beaucoup de références graphiques, littéraires et cinématographiques. Cette somme de sensations très personnelles est un véritable matériau précieux et changeant grace au prisme de la mémoire et de la reconstruction. On pourrait considérer cela comme une sorte de mauvaise foi de l’esprit qui colore de façon partiale nos souvenirs. Les correspondances de Baudelaire sont une source d’inspiration également. Je suis un chaudron où les odeurs, les sensations, les sons et les images s’entremêlent constamment. Quand je me perds un peu, je cherche mon chemin en suivant une ligne : il ya des détours, des cul-de-sacs, des sens uniques mais il y a toujours une route qu’il suffit de débusquer. Puis je mets tout en oeuvre pour m’approprier cette route et me la rendre familière.

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5. Quel regard portez-vous sur l’oeuvre de Picasso ?

Christophe-Louis Quibé : Un regard d’enfant dans un magasin de jouets ! J’ai eu l’occasion de me rendre au Musée Picasso de Barcelone l’an dernier et je m’y suis perdu avec délectation et jubilation. Son oeuvre est une source inépuisable d’inspiration : c’est de l’alcool pur, un désinhibiteur puissant.

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6. Dessinez-vous toujours en lien avec l’actualité ?

Christophe-Louis Quibé : Absolument pas. Cela dit, l’actualité reste toujours un point de départ que j’utilise fréquemment. Le dessin, quand il est libre – c’est à dire quand je ne réalise pas de commandes – sert a exprimer ce pour quoi je n’ai pas les mots. Et comme tout à chacun, je suis sensible à l’actualité.

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7. L’illustration doit-elle être toujours fidèle à son objet ?

Christophe-Louis Quibé : Je définirais l’illustration comme un art investi d’un certain nombre de devoirs. Que ce soit un texte, un concept publicitaire, ou un morceau de musique, il faut se raccrocher à un objet préexistant, l’enrichir en complétant le corps d’origine. C’est presque du ressort de la relation amoureuse !

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8. Quelles libertés prenez-vous par rapport à un dessin académique ?

Christophe-Louis Quibé : Elles sont brutales puisque mon dessin passe par un trait qui n’existe pas ! Le trait de contour est une expression graphique voire une extrapolation. Je me suis souvent affronté à des professeurs de dessins académiques qui voyaient d’un mauvais œil cette manie du trait inspirée de la bande dessinée et qu’ils méprisaient au plus haut point : j’ai vraiment l’esprit de contradiction et c’est parfois une torture !

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9. Parlez-nous de “One line illustrations”

Christophe-Louis Quibé : Ce sont des pièces de “Minimal Art”. La démarche est d’exprimer un maximum de choses avec un minimum de moyens. Réduire le sujet à son essence, à la ligne. J’aime à imaginer ces illustrations comme des objets inclusifs. Du coup, j’ai besoin d’une participation du spectateur pour compléter mon travail et combler les vides. Je dirais que ma ligne est une sorte d’appât car j’essaie d’instaurer un dialogue à travers une évocation ou un appel.

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10. Vous reconnaissez-vous des influences ?

Christophe-Louis Quibé : Bien sûr, des influences diverses et différente. Il y a Picasso mais également Hanco Kolk ou Al Hirschfeld. De même, Gauguin, Matisse, Alechinsky et l’illustre Tōkō Shinoda participent indirectement à ces influences.

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11. Etes-vous attiré par l’univers de la bande dessinée ?

Christophe-Louis Quibé : C’est l’origine même de ma vocation ! C’est à travers cet univers que je suis venu au dessin notamment les comics américains. J’ai une vraie culture Pop, qu’on qualifie de “Geek” aujourd’hui. J’assume des thèmes qui ont pour origines la bande dessinée, le cinéma, les séries. Je suis fasciné par le talent de ses dessinateurs qui mettent leur art au service d’une histoire. Au regard de ma formation littéraire, c’est un mariage parfait entre visuel et écrit. C’est dommage que ce que l’on dénomme pompeusement “le 9eme Art” n’ait droit qu’à une reconnaissance de façade.

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12. Quels sont vos projets à venir ?

Christophe-Louis Quibé : Deux immenses “Onelines” représentant des Nio (divinités japonaise) pour la décoration d’un musée au Pays du soleil levant. De même, la prochaine Foire d’Art Contemporain Art’ Up 2016 à Lille où je suis représenté par la Galerie Nord. Par ailleurs, je viens de finir une collaboration avec British Airways pour une campagne publicitaire d’envergure et je travaille actuellement sur un projet de livre sur l’une de mes passions sportives : le rugby.

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En savoir plus sur Christophe-Louis Quibé :

https://www.behance.net/quibe

http://lille.art-up.com/artiste/?prenom=&nom=Quibe

http://galerie-nord.lille-art-gallery.eu/accueil-galerie-nord/23-quib%C3%A9-one-line-pablo.html

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